November 05, 2006

Cul de sac

Port au Prince, 14:57


Je m’emmerde. Ca fait des heures que je surfe sur Internet. J’ai téléchargé des chansons, visite tous mes blogues préférés, pris un gros petit déjeuner, parle a une amie sur MSN… et je m’emmerde.


J’en ai marre de cet écran d’ordinateur. Pourtant, c’est ma seule porte de sortie, séquestrée comme je suis dans cet hôtel a 2 étoiles dont je ne peux m’échapper sans encourir les foudres divines des puissances, loin là-bas, aux Etats-Unis.


Pour la première fois depuis 3 mois, j’ai vraiment l’occasion de m’introspecter. Ca me déplaît profondément. Retourner au fond de moi, retrouver le contact avec le vide qui m’habite depuis que mon cœur a été fracasse comme une moule sur un rocher par le seul goéland en qui ma confiance était absolue.


Retrouver mes doutes, ma tristesse, mon absence de certitude. Replonger dans mon état névralgique, névrose de fille au cœur brise, a la carrière insatisfaite, a la solitude épidermique. Pas rigolo, tout ca.


J’imagine que c’est le moment pour moi de prendre le temps de mettre sur papier toutes ces questions qui m’assaillent et que j’ai tues ces derniers mois. J’imagine aussi qu’un bilan s’impose. Dans 2 semaines, je passe quelques jours à Montréal. L’occasion de revoir ma maman, mes amis. L’occasion de me confronter a ma ville natale, que j’identifie depuis 3 mois à l’amour de ma vie, celui qui m’a rejetée en prétextant que c’était pour le mieux. Cette ville dont chaque pierre, chaque rue porte le souvenir de lui, de nous.


Qu’est-ce qui a change en moi depuis le mois d’aout ? Suis-je une femme différente ? Qui rentrera chez ma mère ? Moi, ou une étrangère ? A la vérité, je suis devenue une étrangère des mon retour au Québec en Avril 2005. Partir a l’étranger, c’est un choix de vie. Ca vous change. Ca vous met à part des gens que vous aimez. Ca vous met a part de votre culture d’origine.


Mon nouvel état de célibataire m’a mise face a face avec cette dure réalité : je ne peux plus entrer dans le moule. Je suis irrémédiablement différente. Irrémédiablement solitaire. Irrémédiablement, inéluctablement seule. Une partie de moi savait que la femme que je devenais ne pourrait plus être avec l’homme qu’Il restait.


J’ai faim du monde. J’ai faim d’autres cultures. J’ai faim de découvertes. J’ai faim d’amour. Je ne me suis pas sentie si seule depuis des siècles. Isolée, abandonnée. Comment pourrais-je un jour rencontrer un compagnon de vie, moi qui suis maudite ? Maudite car je ne pourrais jamais me poser. Maudite car je suis incapable de rester chez moi. Maudite car je vais mourir célibataire, aigrie et déprimée. Maudite car aucun homme ne voudra jamais de moi, ne serais-ce qu’a cause de mon appétit vorace pour la vie qui me pousse à explorer, toujours explorer plus.


Pendant un moment, j’ai eu un moment de folie. J’ai perdu toute lucidité et j’ai pense que quelque part sur cette planète, existait un homme dont la faim serait aussi grande, aussi insatiable que la mienne. Mais ou est-il ? Je pensais l’avoir découvert, cache sous le manteau de l’amitié, masque par le temps passe à se découvrir. Mais j’ai été déçue, irrémédiablement, puisqu’il ne m’aime pas. Puisque celle que je suis ne lui a pas suffit.


Cul de sac. Voila le nom de ce post. Je me sens prisonnière. J’en ai marre de mon boulot. J’en ai marre de ma solitude. Mais j’y suis condamnée. Quitter et repartir a zéro ? Toujours cette foutue solitude. Toujours cette foutue impression d’être étrangère, de n’appartenir a rien ni a personne, d’être inadéquate.


Ca fait exactement 435 jours que je fais ce travail. Ca fait exactement 70 jours que je suis célibataire. Ca faisait exactement 1395 jours que nous étions en couple au moment de la rupture. Ca faisait 4068 jours qu’on se connaissait (plus ou moins). J’existe depuis 10819 jours. Je l’ai donc connu pendant 38% de ma vie. J’ai été son amoureuse pendant 13% de ma vie. Le temps dédié à mon emploi actuel représente 4% de mon temps de vie sur terre. Mon temps de souffrance actuel représente 1% de ma vie, et 25% de mon temps au travail. Les statistiques ne mentent pas.


De son cote, il existe depuis 10292 jours. Il donc m’a connu pendant 40% de sa vie, et aimée pendant 14% de sa vie. J’ai été absente pendant 15% de notre temps d’amour (en incluant mon stage de 6 mois). Les statistiques ne mentent pas.


Oui, il est important. Très important. Je ne peux pas me pardonner d’avoir perdu 15% du temps qui nous était alloue. Je ne peux pas lui pardonner d’avoir jeté au rebut 40% de temps d’amitié, de m’avoir force à abandonner 39% du mien.


Pourtant, c’est moi qui lui interdis de me contacter. C’est moi qui maintiens une distance. C’est moi qui maintenant refuse son amitié. Pourquoi ? Parce que ca fait mal. Trop mal. Par ce qu’au-delà des chiffres, il y a les émotions. Au-delà des statistiques, il y a l’amour. Et le mien est encore trop fort, trop grand, trop invincible pour être enferme dans les tiroirs exigus de l’amitié. Je l’aime. Je l’aime. Je l’aime et ca me fait souffrir. Je l’aime et j’ai envie de le crier. Je l’aime et je me sens capable de l’aimer toujours. Je l’aime et mon amour est immortel, il me transporte et me transperce. Je l’aime et il ne m’aime pas. Mon amour est la seule chose qui m’aurait permit de rester. La seule chose qui m’aurait peut-être assouvie. La seule puissance assez extraordinaire pour prendre le dessus pour mon appétit vorace du monde.


Maintenant que mon amour existe malgré moi, malgré ma volonté…. Qu’il me fait souffrir quel que soit ma vie… Qu’il me transporte sans m’apaiser… Qu’il me rend insupportable mon existence de vagabonde… Maintenant que je souffre quel que soit mon pays, mon destin, mon port d’attache… Maintenant que rien ne me satisfait plus…


Qu’est-ce que je vais devenir ?


Port-au-Prince, 15:57. Je pleure et je m'emmerde toujours autant.

14 comments:

Saur♥Kraut said...

argh! No comprende!

Beaver said...

Sorry Saur - my mental explosions come out in french. I'm not sure you'd want to read it anyways.

If I have the energy - i'll translate.

Once again sorry about that.

Anonymous said...

Ca déchire l'âme. Ca me fait mal de te lire aussi triste. Mais le retour à Montréal changera sûrement les choses. :) D'une manière ou d'une autre, tu seras "chez toi". And it is always good to go home and be home.
Gros bisous et prends soin de toi.

007 in Africa said...

D'abord, c'est tout a fait normal que tu en ai marre de ton boulot. Tu bouge a tout moment et tu n'a surement pas beaucoup de temps libre ou tu peux faire ce que tu as l'habitude de faire au Canada. Deuxio, tu es seule mais beaucoup le sont aussi-moi je preferai etre seule-mais je sais que c'est n'est pas rassurant donc je te rassure "tu es une fille bien et pleins d'hommes voudront de toi" quand tu sera prete de recommencer. Finallement, moi aussi j'espere trouver une ame soeur qui puisse comprendre mon besoin de voyager, de voir ailleurs. Puis en dernier, ca fait un tres beau post ta tristesse et ton introspection.

Emmanuel.K.Bensah II said...

barring all the mathematics that you had so meticulously calculated about being alone and having broken up, and his age and your age, I guess all I can say is that: there are days like these, Beaver. Enjoy, and relish it. For BETTER times are to come. If that is no consolation, just think about how blessed you are to be seeing so many cultures so quickly every year!:-)

Few people will ever get that chance, and or the education you have. So, you broke up: if it was meant to be, it would have been.

Don't go chasing waterfalls; chase your dreams of becoming the best you can be in EVERY single thing you do. SO far, I personally think you're not doing a bad job:-))

Chin up. You are NOT alone.

J'espere que ces mots de sagesse (;-) qui ne sont pas seulement le mienne, mais cause par beaucoup d'autres experiences que j'ai vecues, t'aidera a comprendre que la benefaction porte beacoup sur toi, et que il y a un homme qui t'attend...mais il faut en patienter un petit peu:-)

Beaver said...

Nyasha, merci pour tes gentils mots (et la carte...) I guess I will be happy to see my mum and my friends. But it's also stressing me out.

007, Welcome back to my humble abode ! C'est bon de savoir que je ne suis pas la seule dans cette situation... Honnetement, ce n'est pas le celibat qui me fait peur. C'est surtout de ne pas pouvoir m'empecher de comparer What's-His-Name a tout autre gars potentiel... Je me sens... abimee. Then again, being locked up for 48 hours will do that to me. You know how I feel about confinement !

*thanks for the compliment about the post.*


Emmanuel, I guess you're right, but it's nice to be reminded once in a while. To be honest though, I'm starting to feel that I am sacrificing having a personnal life to my carreer - and I have mixed feelings about making such a choice. You're right, it's great to get so much exposure. But at what cost?

Thank you for your kind words. May the lords of electricity shine and you and whisk away all the evil mosquitoes.

Emmanuel.K.Bensah II said...

"lords of electricity"...reminding me too much of Star Wars!!

now, that would have made more sense if I had even touched the movie with a barge pole.

oh well.

Thankyou for making me smile!:-))

Suzy said...

totally out of context but I love your blog. And I cant wait to look at all those pics of all those places you've been too. I was also born in Montreal but I have spent my entire life moving from country to country and I want to keep doing it except that now I have a job and its not as simple to travel anymore and I feel a little trapped but I am going to South AFrica in 2 months and I'e been counting the days.... things might look odd for you at this moment in time but its all about perspective.
PS: Je suis impressioné par ton ortographe en francais et en anglais (surtout le slang) pour etre bilingue tu l'es !

Beaver said...

Emmanuel,
I'm glad that made you smile... it also shows that I'm still able to make wisecracks - so I'm not dying just yet. Although for a star wars freak (which I am), using an expression like "lords of electricity" is almost natural Lol

Suzy,
Thanks for the compliment. I'm glad you popped in at a time where I am updating more regularly and writing more on my blog... unfortunately, sometimes the intense travelling gets in the way of appropriate updates and long posts. If you click on the flickr back on the side bar, you will access my flickr account on which I uploaded over 2000 pics from all over the world. Enjoy !

You sound like we have a lot in common. I was raised abroad as well, and it has a lot to do with my current carreer choice. I don't know you and your life, but there was a time where I was stuck in Montreal with a boring job - so do know it's possible to get out of it!

South Africa is FANTASTIC. Do make your way to Lesotho if time allows, so you can have a taste of untouched Southern Africa. I put up a post with recommendations for travellers to SA on my blog some time ago. You can find them here :
Beaver Advice about SA

My archives of SA can be found on:
Beaver in SA (Nov. 2005)
and
Beaver in SA (Dec. 2005)

You are always welcome to ask questions, provide comments, constructive criticism or anything else.

Keep shining y'all !

Beav'

Anonymous said...

J'ai adore te lire.
La souffrance parfois a des moments de grace.
J'espere que ca ira mieux.

Beaver said...

Merci, FK pour le compliment et aussi pour l'encouragement.

Ceci dit, c'il est vrai que la souffrance peut avoir une qualite esthetique... Ce n'est pas un etat dont on peut desirer qu'il soit permanent !

Heureusement, chez moi, c'est toujours en etat de fluctuation, ce qui me permet de survivre... mais j'avoue qu'il y a des moments ou je suis tres inquiete pour mon avenir.

Et oui, j'aime toujours mon Grand Amour. Il est possible que je ne cesse jamais de l'aimer. Mais si c'est quelque chose de tres romanesque (excellent dans un bouquin) - dans la vraie vie, c'est beaucoup moins agreable.

Bises,

Le Castor

Anonymous said...

Tres juste, ca me fait penser a une petite reflexion que je me suis faite a propos du cine: Tres tres dur de realiser une bonne comedie intelligente, ou un bon film sur un sujet leger, beaucoup moins difficile avec un peu de tact des qu'il y a des la douleur ou de la souffrance.

Beaver said...

Ce qui est difficile a recreer... c'est l'authenticite, je crois.

Il ne dois pas etre facile non plus de rire d'un gag a la 47eme reprise!

Ceci dit - ca m'enleve du merite... je me contente d'ecrire ce que je vis...

Bises, et a bientot !

Beaver

Anonymous said...

courage, tout vient à qui sait attendre !!!