Port au Prince, 14:57
Je m’emmerde. Ca fait des heures que je surfe sur Internet. J’ai téléchargé des chansons, visite tous mes blogues préférés, pris un gros petit déjeuner, parle a une amie sur MSN… et je m’emmerde.
J’en ai marre de cet écran d’ordinateur. Pourtant, c’est ma seule porte de sortie, séquestrée comme je suis dans cet hôtel a 2 étoiles dont je ne peux m’échapper sans encourir les foudres divines des puissances, loin là-bas, aux Etats-Unis.
Pour la première fois depuis 3 mois, j’ai vraiment l’occasion de m’introspecter. Ca me déplaît profondément. Retourner au fond de moi, retrouver le contact avec le vide qui m’habite depuis que mon cœur a été fracasse comme une moule sur un rocher par le seul goéland en qui ma confiance était absolue.
Retrouver mes doutes, ma tristesse, mon absence de certitude. Replonger dans mon état névralgique, névrose de fille au cœur brise, a la carrière insatisfaite, a la solitude épidermique. Pas rigolo, tout ca.
J’imagine que c’est le moment pour moi de prendre le temps de mettre sur papier toutes ces questions qui m’assaillent et que j’ai tues ces derniers mois. J’imagine aussi qu’un bilan s’impose. Dans 2 semaines, je passe quelques jours à Montréal. L’occasion de revoir ma maman, mes amis. L’occasion de me confronter a ma ville natale, que j’identifie depuis 3 mois à l’amour de ma vie, celui qui m’a rejetée en prétextant que c’était pour le mieux. Cette ville dont chaque pierre, chaque rue porte le souvenir de lui, de nous.
Qu’est-ce qui a change en moi depuis le mois d’aout ? Suis-je une femme différente ? Qui rentrera chez ma mère ? Moi, ou une étrangère ? A la vérité, je suis devenue une étrangère des mon retour au Québec en Avril 2005. Partir a l’étranger, c’est un choix de vie. Ca vous change. Ca vous met à part des gens que vous aimez. Ca vous met a part de votre culture d’origine.
Mon nouvel état de célibataire m’a mise face a face avec cette dure réalité : je ne peux plus entrer dans le moule. Je suis irrémédiablement différente. Irrémédiablement solitaire. Irrémédiablement, inéluctablement seule. Une partie de moi savait que la femme que je devenais ne pourrait plus être avec l’homme qu’Il restait.
J’ai faim du monde. J’ai faim d’autres cultures. J’ai faim de découvertes. J’ai faim d’amour. Je ne me suis pas sentie si seule depuis des siècles. Isolée, abandonnée. Comment pourrais-je un jour rencontrer un compagnon de vie, moi qui suis maudite ? Maudite car je ne pourrais jamais me poser. Maudite car je suis incapable de rester chez moi. Maudite car je vais mourir célibataire, aigrie et déprimée. Maudite car aucun homme ne voudra jamais de moi, ne serais-ce qu’a cause de mon appétit vorace pour la vie qui me pousse à explorer, toujours explorer plus.
Pendant un moment, j’ai eu un moment de folie. J’ai perdu toute lucidité et j’ai pense que quelque part sur cette planète, existait un homme dont la faim serait aussi grande, aussi insatiable que la mienne. Mais ou est-il ? Je pensais l’avoir découvert, cache sous le manteau de l’amitié, masque par le temps passe à se découvrir. Mais j’ai été déçue, irrémédiablement, puisqu’il ne m’aime pas. Puisque celle que je suis ne lui a pas suffit.
Cul de sac. Voila le nom de ce post. Je me sens prisonnière. J’en ai marre de mon boulot. J’en ai marre de ma solitude. Mais j’y suis condamnée. Quitter et repartir a zéro ? Toujours cette foutue solitude. Toujours cette foutue impression d’être étrangère, de n’appartenir a rien ni a personne, d’être inadéquate.
Ca fait exactement 435 jours que je fais ce travail. Ca fait exactement 70 jours que je suis célibataire. Ca faisait exactement 1395 jours que nous étions en couple au moment de la rupture. Ca faisait 4068 jours qu’on se connaissait (plus ou moins). J’existe depuis 10819 jours. Je l’ai donc connu pendant 38% de ma vie. J’ai été son amoureuse pendant 13% de ma vie. Le temps dédié à mon emploi actuel représente 4% de mon temps de vie sur terre. Mon temps de souffrance actuel représente 1% de ma vie, et 25% de mon temps au travail. Les statistiques ne mentent pas.
De son cote, il existe depuis 10292 jours. Il donc m’a connu pendant 40% de sa vie, et aimée pendant 14% de sa vie. J’ai été absente pendant 15% de notre temps d’amour (en incluant mon stage de 6 mois). Les statistiques ne mentent pas.
Oui, il est important. Très important. Je ne peux pas me pardonner d’avoir perdu 15% du temps qui nous était alloue. Je ne peux pas lui pardonner d’avoir jeté au rebut 40% de temps d’amitié, de m’avoir force à abandonner 39% du mien.
Pourtant, c’est moi qui lui interdis de me contacter. C’est moi qui maintiens une distance. C’est moi qui maintenant refuse son amitié. Pourquoi ? Parce que ca fait mal. Trop mal. Par ce qu’au-delà des chiffres, il y a les émotions. Au-delà des statistiques, il y a l’amour. Et le mien est encore trop fort, trop grand, trop invincible pour être enferme dans les tiroirs exigus de l’amitié. Je l’aime. Je l’aime. Je l’aime et ca me fait souffrir. Je l’aime et j’ai envie de le crier. Je l’aime et je me sens capable de l’aimer toujours. Je l’aime et mon amour est immortel, il me transporte et me transperce. Je l’aime et il ne m’aime pas. Mon amour est la seule chose qui m’aurait permit de rester. La seule chose qui m’aurait peut-être assouvie. La seule puissance assez extraordinaire pour prendre le dessus pour mon appétit vorace du monde.
Maintenant que mon amour existe malgré moi, malgré ma volonté…. Qu’il me fait souffrir quel que soit ma vie… Qu’il me transporte sans m’apaiser… Qu’il me rend insupportable mon existence de vagabonde… Maintenant que je souffre quel que soit mon pays, mon destin, mon port d’attache… Maintenant que rien ne me satisfait plus…
Qu’est-ce que je vais devenir ?
Port-au-Prince, 15:57. Je pleure et je m'emmerde toujours autant.